jeudi 11 octobre 2012

L'oeil moderne d'un dépressif chronique plutôt sympathique

Voici une nouvelle fois ma propension à la procrastination exposée à la vue de tous.  L'exposition que je vous présente " Edvard Munch L'oeil Moderne" à Beaubourg  s'est terminée il y a quelques temps déjà (quelques mois au moins, quelques années peut-être). Malgré cela, je ne renonce pas à l'envie de vous en parler).

C'est une rétrospective assez complète de l'oeuvre du peintre, qui proposait le centre Pompidou malgré l'absence de son oeuvre majeure Le cri. C'est le portrait d'une âme tourmentée qui est brossé. Les éléments autobiographiques sont assez rares dans la scénographie . L'unique, une frise chronologique  qui se déroule à l'entrée de l'expo , je l'avais zappée. Cela a sûrement dû faussé quelque peu ma manière d'aborder l'homme .
Cette frise met en perspective l'oeuvre du peintre et les événements tragiques de son existence la perte de sa soeur notamment. Elle met en lumière également ses différents passages en hôpital psychiatrique. Ces hospitalisations, loin d'être subies, ponctuent son oeuvre. On comprend alors, que sa mélancolie il ne fait pas que la subir. Il la reconnait, il tente de s'en échapper.

En cela l'exposition est passionnante. Le postulat de départ, c'était de mettre en valeur le caractère moderne de son oeuvre,  faire d'Edvard Munch un artiste du 20ème siècle et non du 19 ème . On est loin de la caricature de l'artiste maudit, reclus dans son atelier. Munch fréquente l'avant garde intellectuelle et artistique de l'époque, il diversifie son art. Il créé des décors de théâtre, expérimente la photographie. Alors certes, il est centré sur lui même : autoportraits en tout genre en témoignent. Mais on sent cette volonté d'échapper à cette destinée, de rester au contact des autres, de ne pas sombrer, une putain d'envie de s'en sortir.

Il est bien né donc pénétrer et évoluer au sein de ce milieu d'intellectuels et d'artistes, est assez aisé. Mais il est surtout dépressif, tourmenté et pourtant il est au coeur de la modernité. Munch peindra d'ailleurs des scènes de vie liées à l'actualité : un incendie qui a touché Oslo, une bagarre, des sènes ouvrières ...
En 1908, il est interné pour alcoolisme et dépression nerveuse dans la clinique de Dr Jacobson. Afin de pouvoir régler ses soins, il transforme sa chambre en atelier et se met en scène dans ses photographies. Il établit une sorte de journal de bord d'un dépressif.

Il trouve dans chaque domaine de l'art une possibilité d'enrichir sa production de diversifier ses sources d'inspiration. Il trouve même dans le handicap un moyen de nourrir son imaginaire et c'est pour moi l'une des choses fantastiques de cet expo : faire d'une infirmité une valeur ajoutée à son oeuvre. La question de la vision est centrale chez lui. On peut citer ses perspectives, son traitement de la profondeur du tableau, ses personnages dont on a l'impression qu'ils vont surgir du tableau.  On a toujours l'impression de se noyer dans l'arrière plan de ses toiles.
Il expérimente des techniques de photographies  qui flirtent parfois avec le fantastique. La vérité est ailleurs .... Même dans ses toiles, on observe ces dédoublements comme si le sujet marchait à côte de lui même.

On  ressent sa solitude dans ses oeuvres. Il  se met en scène dans ses toiles comme dans ses photos mais souvent seul. Il peint des femmes mais on sent une certaine distance avec le sujet.

Cette expo, c'est le genre d'expo qui vous réconcilie avec les dépressifs, les spleeneux, les malheureux en tout genre. C'est le genre d'expo qui sort du cliché de l'artiste maudit. C'est le genre d'expo qui vous ravit et qui vous fait sentir que tout n'est pas perdu.

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